La solitude

Les différents visages de la solitude et comment faire avec.

Mélanie Parra

12/15/20235 min read

La solitude comme problème humain date d’environ du XVIIe siècle. Elle est polyvalente et peut ouvrir la porte à un ennui profond, à une douleur ou à un enthousiasme.

La solitude signifie étymologiquement un état ou un lieu inhabité ou peu habité. Un lieu désert, non fréquenté. Un lieu où l’on vit retiré, à l’écart du monde. Un état d’une personne qui est seule, qui est retirée du monde. Le fait de se sentir seul, isolé. Une solitude, un état d’abandon, une vie isolée, sans protection.

La solitude est avant tout un problème singulier posé à chaque sujet. Elle peut être liée au travail, aux manques relationnels, aux difficultés émotionnelles, à des problèmes familiaux, à des expériences traumatisantes, aux problèmes de santé mentale, aux réseaux sociaux, à un déménagement, à une personnalité timide, etc.

Mélanie Klein voit le sentiment de solitude comme une aspiration. L’aspiration à être compris sans recourir à la parole. C’est-à-dire un souhait secret qui est appréhendé par l’autre et qui ne peut se dire. Un souhait secret d’être compris sans avoir recours à la parole. Être seul c’est aussi pouvoir se dégager de la parole. Cela peut vouloir dire de se séparer de sa propre parole et de rentrer en compagnie de ce qui ne parle pas. La solitude donne accès à ce qui est impossible à échanger, à dire, ce sur quoi il n’existe pas de transaction, ce qui ne parle pas, et qui advient lorsqu’on est confronté au manque de l’autre, à son absence, au manque à soi. Notre manque nous empêche d’être seuls et de construire son moi.

Il importe d’élaborer sa solitude et de rompre avec son isolement.

Il existe des consultations gratuites ou remboursées par la sécurité sociale : centres médicaux psychologiques (CMP) ; psychiatres ; services de médecine universitaire. Cependant, il est difficile d’y accéder étant donné la saturation et le manque de moyen de ces dispositifs.

La psychothérapie analytique en cabinet libéral est une alternative. Elle permet de rentrer en relation avec son inconscient, et d’accéder à des choses dont on est séparé, des choses cachées. L’analyse demande une certaine solitude. Cela nécessite d’aller au plus profond de soi-même, pour fabriquer une nouvelle solitude qui va permettre de constituer une base d’opération solide pour rencontrer les autres. De construire une nouvelle solitude, moins précaire, à partir de laquelle l’analysant pourra rompre son isolement. Être isolé socialement peut-être aussi le signe qu’une solitude n’a pas été construite. Certaines personnes vivent seules, mais ne sont pas isolées et d’autres vivent dans une harmonie apparente à un groupe, ont des amis, des collègues, mais sont complètement isolées, et n’ont pas de vraie relation ou pas de contact du tout. Un analysant témoignait que s’il évitait les autres, c’était pour fuir la douleur d’être laissé en plan. La peur du « laisser en plan » évite de voir que, si cet analysant sortait de la conversation, voire du discours, c’était pour éviter le trou qu’il creusait autour de lui.

Autre possibilité, il peut être aussi intéressant d’explorer d’autres ressources comme des activités, sorties et lieux qui vous nourrissent, développent vos habiletés sociales (empathie, écoute, altérité) et votre énergie. Cela peut être pratiquer la peinture, le dessin, la lecture, l’écriture, la marche dans la nature ou la ville, le sport, le scrapbooking, la poterie, de jouer d’un instrument, de cuisiner, de participer à des initiatives locales (jardin, bricolage, entraide), etc.

La solitude est un sentiment courant que beaucoup de gens éprouvent. Elle peut être douloureuse, surtout lorsqu’elle est associée à la vieillesse, à la maladie, à la pauvreté. Beaucoup ont souffert et souffrent encore de l’isolement lié à la pandémie de Covid-19. L’individualisme et le droit d’inventer sa vie depuis Mai 68 ont pu aussi mener à un « chacun pour soi ». Les liens avec la famille se sont distendus, les institutions collectives ont perdu leur rôle de repères, le monde du travail accapare…

L’être humain est un être profondément social. Nous avons besoin des autres. Toutefois, la solitude choisie, et non subie, reste une manière de résister au conformisme, de réintroduire dans sa vie une part de liberté et d’introspection. La solitude est féconde lorsqu’elle s’ouvre sur un horizon et il s’agit souvent d’une solitude passagère, d’un moment de transition.

À lire :

Melchior-Bonnet, S. (2023). Histoire de la solitude. De l’ermite à la célibattante. PUF.

Dans cette Histoire de la solitude, Sabine Melchior-Bonnet dessine le portrait de solitaires majestueux, heureux ou malheureux. Elle montre comment la solitude, créative et insoumise, est désir de se libérer. Que devient-elle à une époque où l'humain et la machine semblent se confondre ? Où les secrets ne sont plus protégés et l'existence est standardisée ?

Woolf, V. (2020). Une chambre à soi. le Livre de poche.

Virginia Woolf était une femme désirant une vie personnelle, une vie en dehors de la maternité et du couple. « Une chambre à soi », c'est la possibilité d’une solitude féconde et créatrice. C'est l’appropriation d’un espace géographique à soi, une représentation d'un espace mental protégé.

Thoreau, H. D. (2017). Walden ou la vie dans les bois. Albin Michel.

Thoreau avait passé deux ans seul dans une cabane devant l’étang de Walden dans le Massachusetts. Il était aussi un grand marcheur solitaire. Il incarne la confrontation de soi au wilderness, à la vie sauvage, à la nature, afin de développer une conscience aiguë d'exister, dans le silence et l'écoute de la nature, une conscience cosmique de la beauté du monde.

Abbey, E. (1988). Désert solitaire. University of Arizona Press.

Edward Abbey décrit ses expériences en tant que gardien de parc national dans le parc national des Arches, en Utah, dans les années 1950. Il explore sa relation complexe avec le désert, la nature sauvage et la solitude. Il partage ses observations sur l'environnement naturel, les défis posés par le développement industriel et les menaces qui pèsent sur les paysages naturels préservés.

Sources :

HuffPost - France (site web) - Le Huffington Post (FR). "Comment sortir de la solitude ?" Kévin Pinel. Vendredi 18 novembre 2022.

La Sagna, P. (2007). De l’isolement à la solitude. La Cause freudienne, 66, 43-49. https://doi.org/10.3917/lcdd.066.0043.

Le Monde. Le Monde l'époque. « Longtemps, la solitude a été le lot des pestiférés ou des fous ». Propos recueillis par Ségolène Barbé. Lundi 9 octobre 2023.

Madame Figaro (site web). Sabine Melchior-Bonnet : «La solitude peut être un élixir permettant de mieux savourer notre liberté et notre vie intérieure». Dimanche 3 décembre 2023.

Midi Libre. SETE. « Ce n'est pas quelque chose d'anodin ». Mercredi 29 novembre 2023.